Les problèmes du pied chez le jeune danseur
Si la danse est un art, elle reste une activité physique importante. Chez le danseur le pied est la source de beaucoup de problèmes. Pour la danse classique le pied le mieux adapté est le « pied grec » mais le « pied égyptien » n’en reste pas moins le pied de grands artistes.
Mécanique du pied
Son extraordinaire architecture permet au pied d’être stable mais aussi mobile en même temps. Une convergence d’actions musculaires permet des mouvements de propulsion et de ‘frénation’. Les mouvements se font dans les trois axes de l’espace. Il y a trois sortes de muscles les propulseurs, les stabilisateurs et les frénateurs.
Souvent sur un pied, la conjonction des forces de stabilisation permettra au danseur de s’y maintenir. Le triceps ou mollet fait partie du système propulseur. La force du mollet ajoutée à celle du quadriceps de la cuisse multiplie par quatre la force de propulsion.
Le pied du danseur supporte des contraintes au sol avoisinant la tonne pour un garçon, et pas loin pour une fille.
Le danseur est un des plus gros pourvoyeurs de rupture du tendon d’Achille. L’accumulation d’heures d’entraînement favorise des zones de véritables » infarctus » sur le tendon.
Le pied chez le jeune danseur
Le pied de l’enfant est une architecture fragile, c’est une mosaïque de cartilages (une vingtaine pour le pied). Tant que l’enfant n’a pas atteint sa puberté il y a danger. Le travail quotidien en pleine croissance peut entraîner des ostéodystrophies (maladies de croissance). Ne jamais oublier que « l’enfant a l’âge de ses cartilages ». Il faut savoir reconnaître ces douleurs chez l’enfant danseur.
Ce sont des douleurs d’insertion du tendon sur le cartilage au point d’ossification.
Il existe des pieds à risque : ce sont des pieds creux avec un varus ou un valgus, avec un tendon d’Achille court. Il faut corriger ces pieds:
– par des étirements
– par des prothèses plantaires de correction
– en portant des chaussures adaptées pour reposer ces structures exposées (pas de baskets).
Un pied douloureux peut être le signe de nombreuses pathologies dont voici les principales:
– Maladie de Kôhler-Mouchet : La douleur existe quand l’enfant court, marche et saute. Il ne peut faire de pointes ou demi-pointes. La douleur est située sur le scaphoïde (clé de voûte du pied). Il faut arrêter la danse pendant quelques jours sinon on risque des désordres graves au niveau de l’architecture de la clé de voûte scaphoïdienne.
– Maladie de Renander : Douleur au niveau de la voûte plantaire et boiterie caractéristique, l’enfant ne peut pas poser son gros orteil. Il faut du repos pendant quelque temps ou au moins pas de pointes, ni demi-pointes et soulager cette zone par une cupule sésamoïdienne.
– Maladie de Sever : L’excès de pratique entraîne une douleur sur le talon au niveau du calcanéum. Les radiographies ne sont pas spécifiques mais on remarque un aspect fragmenté des os. Un arrêt réitéré si nécessaire s’impose. Une semelle protectrice dans la chaussure de tous les jours repose le pied.
– Maladie de Freiberg : Maladie due à un pied mal adapté, le deuxième orteil est plus long que le premier. La tête des os s’aplatit. Si on n’arrête pas la déformation, cela entraîne l’arrêt de la danse. La radiographie montre une inversion de courbure de la tête du deuxième métatarsien. Il faut savoir adapter les activités par rapport au pied. Une semelle protectrice spéciale peut éviter l’accumulation des contraintes.
– Notion de noyaux supplémentaires : Se traduit par une douleur en arrière de la maléolle, très souvent à la suite d’un surmenage sportif. Le pied s’affaisse. On a une image du pied plat valgus alors qu’au départ le pied était creux valgus.
Toutes ces maladies surviennent au cours de la croissance, ce sont des maladies du cartilage. Trop de contraintes musculaires entraînent des perturbations des cellules du cartilage. Les cartilages ne sont pas assez solides pour soutenir les contraintes des tendons.
Beaucoup de facteurs intrinsèques et extrinsèques interviennent dans ces maladies.
IL FAUT RESPECTER LA SONNETTE D’ ALARME DE LA DOULEUR
Le pied du danseur adulte, deux sortes de pathologies :
– pathologie musculo-tendineuse
– pathologie ostro-articulaire
– La tendinite d’Achille : Douleur isolée au début puis aspects évolutifs (rupture de quelques fibres du tendon) puis aggravation. La tendinite est à soigner dans les premiers jours sinon évolution vers la tendinose (cicatrice fibreuse) puis rupture du tendon. Le traitement est alors chirurgical. Cela demande 5 à 8 semaines d’immobilisation et une longue et fastidieuse rééducation. Le retour sur le terrain demandera dosage et progression, hygiène de vie, hydratation (1 litre d’eau pour l’heure d’entraînement), étirements, récupération.
– Autres tendinites du pied :
– Luxation des tendons péroniers (traitement chirurgical)
– Désinsertion du triceps (le mollet devient moins efficace)
– Les hasards malheureux :
– Entames de la cheville et du pied (traitement chirurgical)
– Fractures de stress du pied dues à la fatigue, aux contraintes répétées pouvant atteindre les métatarsiens, les scaphoïdes tarsiens, le sésamoïde, le calcanéum. Seule la scintigraphie permet de donner un diagnostic au 10ème jour. Le traitement est une mise au repos.
Conclusion : Chez l’enfant il faut laisser la nature et respecter la sonnette d’alarme de la douleur. Il faut éviter l’empirisme, la débauche d’énergie.
« Formons-les, ne les déformons pas » !
Des étirements et les temps de récupération suffisants sont obligatoires. L’enfant doit être suivi par un médecin compétent. Il doit avoir une bonne hygiène alimentaire et savoir s’hydrater. Chez l’adulte, pour éviter les technopathies, il faut savoir doser l’effort.
Par le Docteur Ch. Benezis
Président de la Société de Médecine Française de la Médecine du Sport